
Dans la galerie Renaissance, à gauche de la cheminée, la peinture représentant le Tartare ne correspond pas à la description de Virgile mais reflète plutôt une illustration de la traduction française du Songe de Poliphile (1546).

Quant au deux peintures précédentes, le Rameau d'Or fut entièrement refait par Louis Gouffier et l'Entrée d'Enée aux Enfers a été repeint sous Louis Gouffier d'après les vestiges originels.
Nul ne sait quelle était la peinture originale correspondant au Rameau d'Or ; bien sûr, il semble raisonnable (et même très probable) qu'elle représentait la visite d'Enée chez la Sibylle.
Citons Jean Guillaume (La Galerie du Grand Ecuyer, 1996)
"La treizième composition, ruinée, fut refaite par Louis Gouffier qui eut l’idée bizarre de faire peindre à sa place Hercule et les juments de Diomède d’après une gravure des Images de Philostrate. L’ouverture de la fenêtre fit ensuite disparaître la moitié droite de la scène, mais non le côté droit du cadre. Aujourd’hui, tout semble dater du XVIIème siècle, mais les parties décoratives, à en croire le restaurateur, sont en partie conservées. Nous pouvons reconnaître l’aspect original du soubassement en trompe-l’oeil et de l’encadrement, beaucoup plus simple que dans les autres peintures, et identifier la branche située à gauche du cartouche qui n’a été reprise que par endroits : ses teintes pâles, transparentes même, prouvent qu’elle appartient à la composition initiale. Les vestiges de cet ornement – qui n’a de toute façon aucun rapport avec les Juments de Diomède – permettent d’identifier le sujet originel.
La branche, en effet, est entièrement dorée : tige, feuilles, fruits, tout a la même couleur. Un motif aussi étrange s’explique certainement par le sujet autrefois représenté au-dessus : visite d’Enée à la Sibylle ou découverte du rameau d’or. …
La dernière composition, qui fut peinte en premier, occupe l’extrémité du mur sud-ouest, tout le mur nord-ouest, et le mur nord-est jusqu’à la cheminée. Elle est divisée en deux parties égales par la fenêtre d’axe, mais ces deux moitiés qui comportaient chacune un sujet différent ne constituent pas deux compositions séparées. Les cartouches ont d’ailleurs la même forme à droite et à gauche.
Le côté gauche a été, comme on l’a dit, repeint par Louis Gouffier : dans un grand paysage très médiocre, le chien Cerbère garde l’entrée des Enfers représentée de façon naïve, suivant la tradition médiévale, par une gueule de monstre ouverte. Certaines parties, reconnaissables à la transparence de leurs tons, appartiennent cependant à la composition primitive : une bonne part du soubassement, le corps des griffons qui supportent le cartouche, le buste et une tête de Cerbère. Ces derniers vestiges sont importants car ils prouvent que le sujet actuel n’a pas été entièrement inventé : le thème initial devait être l’arrivée d’Enée aux Enfers.
La partie droite, fort heureusement, n’a pas été refaite au XVIIème siècle. ... Le sujet de la composition est l’Enfer, plus exactement le Tartare où les criminels reçoivent leur châtiment. ...
Enée n’a pas sa place dans cette scène d’horreur : le héros n’a pas pénétré dans le Tartare qui lui est seulement décrit par la Sybille. ... Il s’agit seulement d’une évocation : Enée lui-même et la Sibylle se trouvaient certainement dans l’autre partie de la peinture, à gauche de la fenêtre.
Cela dit, l’Enfer d’Oiron ne ressemble pas à celui de Virgile : la Sibylle décrit des supplices individuels, alors que la peinture montre une image globale de l’Enfer où l’eau et le feu résument tous les supplices. Une telle conception est neuve, beaucoup plus dramatique et mieux adaptée aux moyens de la peinture, toutefois elle n’appartient pas en propre à Noël Jallier.
Le Songe de Poliphile décrit en effet un « tableau » très proche de la peinture d’Oiron : l’Enfer, « clos d’une vieille porte rouillée », est un abîme au fond duquel se trouvent côte à côte un lac de feu et un lac glacé ...
La gravure n’existe pas sous cette forme dans les deux éditions italiennes : elle apparaît seulement dans l’édition française de 1546, l’année même où fut exécutée la peinture. Le peintre a vraisemblablement vu le dessin original qui servit ensuite au graveur : la composition d’Oiron est inversée par rapport à la gravure."
Le Songe de Poliphile est un livre énigmatique. Pour l’alchimiste Fulcanelli, le Songe de Poliphile est une œuvre hermétique qui contient les connaissances utiles à l’accomplissement du grand œuvre (cf. Les Demeures philosophales, livre 2.).
Dans ce cas, on pourrait supposer que les dernières peintures (qui furent faites en premier) auraient une "coloration alchimique".
Dans, le Splendor Solis , traité alchimique manuscrit du XVIe siècle, une des vingt-deux enluminures s'intitule : L'arbre des philosophes.

Une des interprétations possibles est la suivante : Énée, vêtu de rouge, reçoit des mains de son fils une branche de l'Arbre de Vie afin qu'elle le protège lors de son passage par la putréfaction et le feu purificateur des Enfers. … Les trois personnages portent des vêtements aux couleurs principales de l'alchimie : noir (le commencement), blanc (l'étape intermédiaire) et rouge (la perfection). …
Dans cette optique "alchimique", on pourrait envisager l'hypothèse que la peinture "Le Rameau d'Or" représentait, à l'époque de Claude Gouffier, un "tableau illustrant les étapes du Grand-Oeuvre" en utilisant le symbolisme d'Enée, Anchise et Ascagne.